3- Luke & Leia

LUKE SAUVE LEIA.jpg

Plus qu’un wagon avant le bar, et cinquante six enfants et ados.

Leurs badges portent leurs noms. Et leurs âges aussi. Mauvaise idée: 14… 12… 10… 11… 9… 10… 5… 4… 5… 3… et 4 ans à vivre. Je compte comme ça maintenant, c’est devenu un réflexe.

Comme la loi le leur permet, les moins de treize ans ont bien sûr amené leurs parents avec eux. Sauf ces deux-là: déjà morts; ils seraient là sinon. Luke et Leia ont 12 ans. Des jumeaux. Ils regardent par la fenêtre, immobiles. La forêt de Gila leur sourit mais leurs visages restent éteints. L’apathie est le meilleur anti-douleur contre la souffrance. Si au moins je pouvais les faire sourire, leur apporter un peu de réconfort…

« Ralentis le pas pour qu’ils te remarquent. »

Ils ne me remarquent pas. 

« Arrête-toi alors et fixe-les du regard, intensément. » 

Ils ne me remarquent pas. 

« OK, tousse bruyamment; impossible qu’ils ne t’entendent pas. »

Ils ne se retournent pas. 

Mon Dieu! Leur souffrance doit être si grande, et leur douleur si profonde. Ce ne sont que des enfants. Ma poitrine s’embrase, mes jambes de papier ne tiendront pas longtemps… Zut! Foutues larmes qui affluent vers mes yeux. Je renifle pour les contenir: elles franchissent le barrage c’est tout un fleuve qui suivra. Pleurer devant Luke et Leia serait dramatique; ils souffrent assez, rajouter de la pitié les tuerait.

Snif! 

Fait chier! Le ruisseau a franchi le barrage. Je me retourne pour discrètement essuyer mes yeux. J’ai mal, j’ai honte.

— Ne vous inquiétez pas pour nous.

Est-ce que cette voix de gamine est celle de… Leia? 

Je me retourne, Luke et Leia me regardent, la tête toujours appuyée contre la vitre. Ma poitrine se dégonfle comme un gros ballon qui libère son air d’un coup. 

— On est fort, reprend Leia.

— Et je serai toujours là pour la protéger, enchaîne Luke, en posant sa main sur celle de Leia. 

Leur voix est douce et sereine, aucune joie, aucune peine, juste douce et extraordinairement sereine pour des enfants que la mort a vicieusement décidé d’accabler si tôt.

— Je sais, je bredouille, alors qu’une larme me glisse sur la joue.

Je ne reverrai sans doute plus jamais ces petites forces de la nature. Mais je n’ai plus peur pour eux: ils sont forts, et Luke veille sur Leia. J’habille mon visage de mon sourire le plus affectif, ils me regardent et me renvoient un tout petit sourire au message très clair: « La mort a gagné la bataille mais la vie va gagner la guerre. » 

*****

Le wagon avant le bar est exclusivement composé de cabines business. Autrement dit, ce n’est pas pour tout le monde. Ecran géant, avec visioconférence haute définition, Wifi méga-débit, 2 ordinateurs portable crypto-sécurisés dernier cri (mes parents n’utilisent que les leurs cependant), imprimante, insonorisation totale et intimité garantie. Bref, le top du top. C’est pour quatre personnes normalement mais mes parents ont un statut privilégié. Leur cabine est… juste là. 

Leur porte vitrée anti-regard est fermée: soit ils sont super concentrés à bosser, soit ils sont super concentrés à bosser. Cela fait au moins quatre ans et deux ans avant le virus qu’ils ne dorment plus, ne mangent plus, ne baisent plus. Je pourrais m’arrêter devant leur porte, ils ne me remarqueraient pas. Et même s’ils me remarquaient, ils ne s’arrêteraient pas. De bosser. 

Ok, nous voilà au wagon-bar: s’il n’y a personne, j’en profite pour me relaxer, loin de Marie, jusqu’à l’arrivée. S’il y a du monde, je baisse la tête, parle à personne, réponds à personne, prends pistaches et jus d’abricot et je me barre, deux minutes chrono. La foule, son contact, son brouhaha, et ses discussions futiles me donnent la nausée. 

La porte s’ouvre… et forcément, il a du monde. Mais aucun bruit.

Bizarre. Il y a des groupes mais personne ne parle, personne ne se parle. Ce silence, c’est la première fois que je l’entend. Je le sens  même, il pénètre ma chaire, infiltre mes pensées… et je comprends: plus lourd que le plomb, plus douloureux que la mort, ce silence est celui de la résignation collective, de l’espoir disparu à jamais.

Les tables sont toutes prises… ainsi que les rebords des fenêtres panoramiques. Fait chier. Regarder par la fenêtre m’aurait aidé à éviter les regards. Quoique ce n’est pas ça qui découragerait un gus de vous aborder: ‘’Moi aussi j’aime la vue’’. ‘’Et moi le silence’’.

Voyons-voir au bar… Au bout, il y a un tabouret de libre entre un couple en attente de conversation et un mec seul en train de lire. Trop risqué, j’ai besoin d’une zone tampon, au moins deux tabourets de séparation. Ça envoie aussi un message aux autres.

Zut! Il a levé les yeux vers moi. Grillée. Maintenant je suis sûr qu’il se demande pourquoi je refuse de m’assoir à côté de lui. J’espère qu’il ne pense pas que je suis raciste. Fait chier! Fallait que ça tombe sur moi. Tant pis, je vais attendre. J’espère qu’il partira avant le couple, qui… se lève et part. CHIOTTE! Il regarde les trois siège vides… et maintenant il me regarde, genre ‘’si tu tu ne t’assoies sur l’un de ces tabourets, c’est que tu es raciste.’’ « CHIOTTE! JE NE SUIS PAS RACISTE!! JE VEUX JUSTE ÊTRE SEULE, NE PARLER A PERSONNE, CE N’EST PAS DIFFICILE A COMPRENDRE! »

Je m’assoie sur le tabouret le plus éloigné de lui; désolée si je froisse ses sentiments, à chacun ses problèmes et j’en ai assez. Il ne me regarde pas: « Cool, reste concentré sur ta lecture. » 

— Compliment de la maison.

Pardon? Quoi? Il y a un canette de Coca Cola posée devant moi, sur le comptoir. Compliment du jeune barman, qui me sourit sous sa moustache, ou plutôt sa porn-stache. Son badge affiche ‘’Bruno’’.

— Merci, mais je ne bois pas de soda.

— Je sais.

Il sait, mais me propose quand même d’avaler trente sept morceaux de sucre. Autant me perforer le foie ou les dents devant tout le monde, au moins ça mettra de l’ambiance. Et maintenant il se rapproche, croise les bras sur le comptoir, et pouffe un petit rire. « Si tu te moques de moi, ta canette, je vais te la… » Bref. En même temps, la malice qui émane de son regard me désarme quelque peu.  D’un signe du menton, il m’invite de nouveau à boire mon Coca. Je déteste les sodas mais suis fatiguée de me battre. Alors je bois.

BRRRSH

J’ai recraché.

— Mais il y a du Whisky dans ton Coca! je râle à voix basse.

— Un peu trop? Bruno s’excuse faussement, en souriant.

— Pas assez, en fait, je murmure. (Bruno me tend une fiole de Whisky, cachée dans sa main.) J’ai l’air si désespérée?

— Oh oui. Mais le monde a encore besoin de toi Faith (son autre main pose devant moi le magazine Forbes, avec ma photo en couverture, celle de ‘’L’adolescente qui veut sauver le monde et mérite le prix Nobel.’’

— Sauf que je ne l’ai pas eu, je réponds, faussement déçue.

— J’ai oublié de voter. 

Je rigole, il rigole, on rigole. Il est cool Bruno.

— Blague à part, merci pour tout ce que tu as fait.

— Tenté de faire, je corrige.

— Sois pas aussi négative à ton égard. Tu as fait de ton mieux.

— Il a raison.

“Fait chier.”

Deux minutes. Le lecteur solitaire n’a pas tenu deux minutes avant de me parler. Je ne serai jamais tranquille, ma parole. Je ne me retourne pas mais je vais lui répondre quand même, indirectement. Je regarde Bruno, mon expression du visage devrait lui signaler mon inconfort. Bruno est cool, il va me débarrasser de lui.

— Je peux t’offrir un verre? l’inconnu enchaîne.

Sérieusement? Non seulement il voit bien que j’ai une déjà une boisson mais en plus, elles sont gratuites les boissons. Et c’est quoi ce vieux prétexte à la con? Et Bruno, pourquoi il ne m’aide pas? Au lieu de ça, il l’encourage d’un clin d’oeil. Bon sang! Les mecs!

— Non merci, je réponds poliment sans le regarder, et en prenant exprès une gorgée de ‘’Coca-Cola’’, histoire qu’il voit bien que j’ai déjà ma boisson, même si je sais qu’il sait que j’ai déjà une boisson. Je me force à sourire aussi pour qu’il ne croit pas que je sois raciste. Sauf que maintenant il va certainement croire que c’est une avance, oui, parce qu’à cet âge-là, leurs hormones les mettent tellement à cran qu’ils prendraient nos pets pour une ouverture.

Histoire de tuer tout espoir, je vais juste rajouter une touche d’humour noir. Zut! Il est noir. Je retire ce que je viens de penser, je ne suis pas raciste. ‘’Tout est gratuit’’ je rajoute, en insistant bien sur ma grimace ‘’Là, t’es con mon pote’’.  A sa place, je continuerai ma lecture.

— Je sais, il répond, amusé. « Zut! Pas du tout l’effet que j’escomptais » Je veux juste me rappeler du bon temps.

Il n’aurait pas dû dire ça, pas à moi. La vérité et les regrets sont mes deux cordes sensibles et maintenant tout mon corps vibre comme une guitare. Et sa voix… douce, drapée d’une légère mélancolie… Je me sens… Je vais me tourner vers lui pour lui… Que lui arrive-t-il? 

Il ne bouge plus, figé comme une statue, comme… le Penseur de Rodin… en plus beau, plus majestueux. Son esprit n’est plus ici… 

Pourquoi je peux désormais entendre mon coeur battre? 

On frappe à ma porte. Je ne veux pas ouvrir, je reconnais ses coups. Je ne dois surtout pas la laisser entrer, ou elle finira par m’envahir, me consumer, me tuer. Je dois protéger Marie. 

Mais je n’ai plus la force de souffrir; un jour je lui ouvrirai à la Mort, et ce jour-là, ma mort sera la dernière.

Le penseur revient à la vie: ‘’Tu peux jouer le jeu si tu veux.’’ 

Le charbon de ses yeux réchaufferaient le coeur des plus jolies demoiselles de ce monde, et pour cette raison, je dois lui répondre:

— Trop tard.

Je voulais le dire avec un ton neutre, mais le dépit a pris le dessus. « J’ai seize ans et dans huit ans je vais mourrir, et toi, Troy-dix-sept ans, dans sept ans, et encore, si on ne t’a pas tué avant. Donc tu vois, trop tard pour la vie, pour l’amitié et trop tard pour les amourettes. »

— C’est ce que beaucoup pensent. Mais en réalité, il n’est jamais trop tard, Troy répond, encore plus réconfortant. 

Son doux regard me baigne d’empathie, comme s’il me comprenait. Mais personne ne peut me comprendre.

BAM! 

Zut! Mes doigts, étrangement moites, ont laissé glisser la canette, et maintenant un Coca Cola aux odeurs de whisky se déverse sur le comptoir, et on va se faire griller. Merde. Mais avant même que je n’ai le temps de paniquer, Bruno s’empare du Sopalin et fait disparaître en quelques coups très rapides toute trace d’activité illégale. On se regarde, et forcément, on éclate de rire, comme de bon vieux amis, et ça me fait du bien.

— Je dois vous laisser, de toute façon, nous informe Troy. J’ai une lecture à finir. Pour les tests.

Pourquoi je n’entends plus mon coeur battre?

— C’est important, je réponds. 

Si c’est la bonne réponse, alors pourquoi je voudrais que Marie soit là, et qu’elle me gifle, encore, et encore, ET ENCORE?

Troy reprend sa lecture. Je vais attendre deux minutes. 

Mais deux minutes c’est long quand même… 

Je suis enfin seule, comme je le voulais; enfin, je  ne sais plus. Et si je lui demandais de—

— J’espère qu’ils servent de l’alcool dans ce putain de bar. 

Non, Non, NON!

La voix vient de derrière, accompagnée de stupides ricanements. Instinctivement, je regarde Bruno pour m’assurer qu’il se sente en sécurité, mais ce qu’il voit arriver vers son comptoir lui fait perdre le sourire. Je jette aussitôt un coup d’oeil discret à Troy:  toujours plongé dans sa lecture, les poings serrés cette fois.

— Quatre bières et des noix de cajou, commande ‘’la voix’’, arrogante, en asseyant lourdement son imposante stature à côté de… Troy, qui disparaît de ma vue.

Ses deux copains, moins costauds, s’invitent à leur tour dans le peu de zone tampon qu’il me restait. Leurs casquettes identiques doivent certainement leur faire croire en un quelconque pouvoir ou privilège, autrement mon nouveau voisin se serait excusé de m’avoir heurtée avec son coude. Zut! Il s’est retourné. Je détourne le regard mais maintenant c’est lui qui me dévisage. Même pas eu besoin de péter.  

— Bonjour messieurs, s’exclame Bruno, avec un enthousiasme qui me surprend. Je me ferais un plaisir de vous servir tous les trois mais à une seule condition.

« Ne me dis pas que tu vas leurs servir de l’alcool, Bruno? Pas à ces énergumènes. Pas besoin de condition. Tu me déçois. »

— Et je peux connaître cette condition? demande la voix en se redressant et bombant le torse.

— Bien sûr, répond Bruno avec enthousiasme. C’est celle de l’article 59.2 du règlement intérieur des HyperLoops qui proscrit toute vulgarité et insanité à l’intérieur des wagons, sous peine de débarquement immédiat. Et dans votre situation sous peine de retour à la case départ, Texas, d’après votre accent.

« Bon sang de bon soir! Bruno, mon héros! Tu as caché ton jeu. »

Et maintenant? 

Les deux adjudants se redressent  à leur tour,  se tournent vers leur leader qui fusille du regard un Bruno définitivement pas taillé pour se prendre un coup de poing d’armoire à glace. Le problème? Bruno est à portée de coup de poing.

Bruno sourit toujours: rien de mieux pour énerver la bête encore plus. Pourquoi cette insouciance? Pourquoi met-il sa vie en danger? Ma poitrine est BIG BEN qui sonne les douze coups de minuit: 12…11…10…9…8…7…6…5…4…3…2— 

— Pas de problème! répond l’armoire, en se relâchant et s’accoudant sur le comptoir, le sourire au lèvres.

Les adjudants expirent enfin, ricanent bêtement de nouveau et de nouveau imitent leur maître en s’accoudant au comptoir. 

« Bruno, ne recommence plus. La mort est déjà tout autour de nous, ne la laisse pas me faire souffrir en m’enlevant ceux que je… Bref. »

— Jus d’orange, d’abricot, de pêche, ou d’ananas? Amandes ou pistaches? propose Bruno, l’air faussement désolé. Quel comédien!

— Sérieusement? râle le jambon au milieu du sandwich.

— Ananas et amandes, interrompt le chef, d’une voix imposante. Ce sera parfait, merci Bruno, il ajoute poliment.

Bruno s’exécute et je ne sais plus quoi penser de la voix. Main de fer dans un gant de velours ou main de velours dans un gant de fer? 

Je vais passer ma commande juste après et partir. Tant pis pour Troy. J’écarte la canette de mon indésirable voisin afin qu’il ne puisse  sentir l’odeur de whisky qui en émane légèrement. Dans une minute ça devrait être à moi. Ok, Ok, patience. 

Alors comme ça, il y a du ‘’Mono… Monopotassium de Phosphate’’ dans du Cola Cola. Du ‘’Glycérol Esther of… rosin’’. Ça sonne pas très sain comme produits.

— Comment ça va?

Non, Non, NON!

Il ne pouvait pas attendre son jus d’ananas et ses amandes tranquillement? Il fallait qu’il me drague! « Tu n’en as pas assez de nanas dans ton jus? » Je ne suis pas Bruno, je n’ai pas son talent pour calmer les situations, non, mois je suis plutôt l’huile qui recherche le feu. J’ai déjà essayé la discussion, ça n’a jamais marché. Alors maintenant, c’est silence ou indifférence. Et parfois, les faux sourires. Et là, je vote pour l’indifférence et les ‘’Tri…gly…cé…rides’’!

— J’ai demandé comment ça va? insiste le morpion.

« Water… citric acid…sodium citrate…Sucralose— » 

— Il a demandé comment ça va? me rappelle lourdement le jambon.

— Elle va bien.

« Troy? »

— C’est pas à toi qu’il a posé la question, lui rétorque à voix basse l’armoire à glace, en se penchant vers Troy, menaçant.

« Je t’en supplie, Troy, ne dis plus rien, je vais gérer. »

— Elle a perdu ses parents, elle n’a plus de famille. Elle veut juste être seule.

« Troy, que raconte-tu? »

— Ah, d’accord, répond l’armoire. Il se tourne vers moi: ça s’appelle un blocage psychologique, il rajoute, professoral, fier de connaître ce mot.

— Messieurs, voici vos jus d’ananas et vos amandes, interrompt Bruno-la-providence. J’ai rajouté un sachet de pistaches, en guise de remerciement. 

L’armoire se redresse, sans me quitter du regard. Ses soldats l’imitent, leurs regards braqués sur les boissons et sachets d’amandes.

— C’est parfait! répond joyeusement l’armoire. Merci Bruno.

— Tout le plaisir est pour moi, Maxwell. Texas?

— Yep! Et voici Tango, au milieu et Charlie au bout.

— Tango, Charlie, à votre service, répond Bruno. Juste une dernière chose messieurs. Comme vous êtes trois, dès qu’une table se libérera, je vous demanderai de vous y installer afin de permettre à d’autres de passer commande. Je peux compter sur vous?

— Oki-Doki! acquiesce Tango.

De nouveaux clients à l’autre bout du bar font signe à Bruno. 

— On m’appelle, je dois y aller. Merci encore et bonne fin de trajet.

Bruno quitte les Texans, m’offre un discret clin d’oeil et un sourire complice puis rejoint l’autre bout du bar: SAUVEE.

Presque. J’ai oublié de passer ma commande et maintenant c’est Marie qui va m’en vouloir.

— C’est ta copine? demande l’armoire à Troy.

« Troy, ne réponds pas. Continue de lire. »

Troy ignore L’armoire.

— Non! s’étonne Maxwell. Elle est pourtant mignonne.

« Je t’en supplie Troy, résistes à ses provocations, ils vont bientôt partir, continue de lire ».

— En plus elle est blanche. Tu as déjà couché avec une blanche, Troy?

«QUOI? … Pitié, Troy, ne réponds pas, ne réponds pas. Ils n’attendent que ça. Ou quitte le bar, oui, quitte le bar, on est bientôt arrivé et la sécurité s’occupera d’eux— Mais que fais-tu?»

Troy referme son magazine posément, tourne lentement son corps vers Maxwell et plante son regard dans le sien. Le charbon de ses yeux s’est embrasé comme mille soleils capable de réduire en cendres la plus solide des armoire à glaces.

— Bonne nouvelle messieurs, une table vient de se libérer et des clients attendent derrière vous. Merci de la rejoindre.

Bruno, mon sauveur, comme je t’aime.

— On est bien ici, objecte Charlie.

— Et vous serez mieux là bas, rétorque Bruno, souriant mais ferme.

Désarçonné, Charlie se tourne vers Maxwell, prêt à dévorer Troy.

Le meilleur vecteur de la peur, c’est l’amour, car l’amour nourrit la peur. C’est pour cela que la peur nous suit comme notre ombre, à l’affût de la plus petite étincelle d’affection, pour s’infiltrer en nous et nous ronger de l’intérieur. Voilà pourquoi je n’ai plus d’affection à offrir au delà de Marie, papa et maman. Et Luke et Leia. Et Bruno, STOP!

— Juste quand je commençais à me faire un ami, répond Maxwell, sans quitter Troy des yeux. Mais comme on dit: (il se tourne vers Bruno) ’’Il n’y a point de bonne compagnie qui ne se quitte.’’ (Il se lève de son tabouret, ses valets l’imitent) Bruno, merci encore pour les boissons et ce parfait accueil. (Il se tourne vers Troy) Troy-mon-ami, j’ai hâte de  reprendre cette petite conversation; j’adore les histoires d’amour, (Il se tourne vers moi) surtout impossible. (La menace est évidente: instinctivement, je regarde Troy) Oh! Je crois qu’elle a le béguin, Faith, c’est çà?

« Merde! Mon badge. »

— Maxwell, votre table vous attend, rappelle Bruno, fermement.

— Alors, ne la faisons pas plus attendre.

Maxwell et ses valets rejoignent la table et s’assoient. Finalement.

 Je me tourne vers Troy, croise son regard, il le détourne.

— Je suis désolé, Faith, me murmure Bruno. Est-ce que ça va?

— Ça va, je réponds les genoux tremblant et le coeur qui tambourine. Merci pour ton aide. Tu nous a sauvés. Encore.

J’aimerais lui dire que tout est de ma faute et que j’ai honte. J’ai mis en danger la vie de Troy alors qu’il essayait de me sauver. 

Bruno rejoint Troy. Ils échangent quelques mots à voix basse. Tout deux m’offrent un sourire. Je me sens mieux, mais l’acidité de ma culpabilité me perfore l’estomac. Ils se serrent la main, Troy quitte son tabouret, marche vers moi, son regard me brûle. 

Je vais le remercier. « Car je dois le remercier, pas vrai? » 

— Hé! Je suis désolé pour ce qui est arrivé. Je n’aurais jamais dû te parler. Ça n’arrivera plus. Bonne chance, Faith.

« Pardon? »

Troy me sourit, sort du wagon, et disparaît.……..……..… de ma vie.

*****

C’est bizarre, cela me prend plus de temps de revenir. Est-ce que les wagons se sont allongés? Ce n’est quand même pas trois jus d’abricot et trois sachets de pistaches ou le supplice de retrouver Marie qui me ralentissent. J’ai l’impression d’être sur un tapis roulant: plus je marche, moins j’avance. Et ces visages qui restent flous…

— Faith! T’en as mis du temps pour jus des jus d’abricot et des pistaches! …  Hé! Tu m’entends? 

« Marie? »

— Faith! Je te parle! 

Marie est devant moi. Elle n’était pas là il y a deux secondes…

— Ça fait deux heures que tu es partie, ma parole!

Elle est bien là. 

— Tiens!  je lui dis affectueusement.

Mes mains lui tendent ses jus et pistaches. Sa colère illumine son visage. Bizarre. Je lui souris et reprends ma route. Plus qu’un wagon, et retour à la normale.

— Attends! Le sol est mouillé.

— Je ferais attention, je réponds, pressée de retrouver l’ennui.

— C’est pas de l’eau mais du pipi. Une fille vient juste de faire pipi devant tout le monde, dégoutant.

“Pipi?”

Personne ne fait pipi devant tout le monde. A moins que…

— Brune?

— Oui.

— Enceinte? (mon pouls s’accélère)

— Oui. Comment tu as deviné?

— Merde, Merde, MERDE! Va chercher maman, de suite!

— Et pourquoi tu y vas pas toi-même?

— ARRÊTE DE DISCUTER! VA CHERCHER MAMAN!!!

— Ok, Ok. Pas besoin de crier.

— COURS!!

— Ça va! Et je lui dis quoi?

— Qu’elle se prépare à faire accoucher une ado.

— Donki!

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