12- Jeu, Set et Match
— Tu fais quoi?
« Oui, tu fais quoi Marie à tirer mes valises dans le couloir? »
— Rien du tout. Je te rends service.
« Et moi je joue du banjo. Rien que ton expression du visage te rend coupable, Marie.»
— Ils ont mis quelques unes de tes valises dans ma chambre, alors je te les ramène, c’est tout. Tu devrais me remercier.
« Je devrais te remercier?? Marie, Marie, Marie! » Ses mensonges me font tellement halluciner que j’ai fini par admirer son culot en fait. Elle en a tellement, que même les mythomanes professionnels n’osent plus mentir devant elle.
Je m’en fous de ma chambre; mais rien que pour embêter Marie, je vais jouer le jeu pour mieux abuser un peu de la situation, héhé.
— Si je te remercie de ramener mes valises, je ne dois pas t’aider, alors.
« 15-Zéro »
— Si tu m’aides pas, tu m’en dois une, alors.
« 15 partout »
— Si je t’en dois une, j’ai le droit de te regarder faire, alors.
Marie s’arrête net, me fusille du regard. Si elle accepte c’est la confirmation qu’elle ment. Et alors, que la jeu continue!
— Et des popcorns aussi? elle s’énerve; puis à contre-cœur: Ok.
« 30-15 »
— Cool, il ne te reste plus que trois valises, je dis avec sarcasme. Mais pourquoi as-tu commencé par la bleue et la verte?
— Parce que c’étaient les plus lourdes, réfléchis un peu!
— Non, les plus légères.
La tronche que Marie me fait. Dégoûtée!
« 40-15 » Est-ce que je vais pour le Jeu, Set et Match?
Totalement.
— Dégage! m’ordonne Marie. Je veux pas te voir.
— On se calme petit pangolin. Un deal est un deal. Mais comme je respecte ta souffrance, je vais me racheter en te ramenant un rafraîchissement. Il y a du jus d’abricot frais dans le frigo, tu en veux?
Marie hésite, bêtement. Elle aimerait dire non pour éviter de me faire passer pour une gentille mais elle aime trop le jus d’abricot. Le plus amusant, c’est qu’il n’y en a pas. Mais trop tard, je suis passée pour la gentille, et ça, ça l’énerve, alors, je ne dis rien.
— Ok. Et tu attends que j’ai fini.
— Oki Doki, je réponds joyeusement.
…
Il y a même un écran plat sur la porte du réfrigérateur. Sérieusement? Qui veut regarder les news, un film ou une série télé sur la porte d’un réfrigérateur? C’est débile. Ou à moins que ce soit pour voir ce qu’il y a à l’intérieur du frigo sans avoir à l’ouvrir? On est devenu si fainéant?
— Est-ce que je peux vous aider?
— Putain!
Alexia ‘’double-lèvres’’ vient de surgir sur l’écran; le choc!
— Je suis désolée de vous avoir effrayée, Faith, ce n’était pas mon intention.
— C’est raté en tout cas, je réponds, un peu énervée. M’aider pour quoi?
— Vous pouvez visualiser sur l’écran ce qu’il y a un l’intérieur du réfrigérateur.
— Je n’ai qu’à ouvrir la porte pour ça, non?
— Les études montrent que nous pouvez économiser 15% d’énergie en minimisant le temps d’ouverture des portes. Désirez-vous économiser de l’énergie et contribuer à sauver notre planète, Faith?
— « J’hallucine. » Et maintenant, elle me culpabilise.
— Il y a du jus d’abricot pour Marie; c’est sa boisson préférée si je ne me trompe pas…
« Comment elle sait ça? Il n’y en avait pas il y a vingt minutes. »
— et du jus d’ananas, votre boisson—
— Je sais, je sais, ma boisson préférée, merci. Je peux ouvrir maintenant? je demande poliment, histoire de voir si Alexia comprend le sarcasme.
— Mais bien sûr. Vos désirs sont des ordres, elle me répond avec un grand sourire au travers de la gueule.
Ok, non seulement elle a capté mon sarcasme mais en plus elle en est capable. Le genre humain est dans la merde. Et le pire c’est que je lui réponds comme si elle était un être humain.
— J’ATTENDS TOUJOURS MON JUS D’ABRICOT! crie Marie.
— Je crois que Marie vous appelle, me chuchote Alexia.
« C’est de l’humour ou encore du sarcasme? »
— Merci, Alexia, vous me sauvez la vie! je m’enthousiasme le plus sincèrement possible. Ça m’étonnerait qu’elle détecte que je me fous de sa gueule.
« Me fous de sa gueule?? Hé! Ho! Faut que j’arrête de lui parler comme à un être humain. C’est pas un être humain!! »
…
— Tu en as mis du temps, me fait remarquer Marie, assise sur son nouveau lit, alias mon ex. Lit!
— On m’a retenue.
Je lui jette sa mini-bouteille de jus d’abricot. Elle l’attrape, ne me remercie pas, l’ouvre et commence à boire.
— Haaaa! elle exhale. J’adore le jus d’abricot. Et le lit! Super moelleux.
Elle s’allonge sur le lit, je m’allonge à son côté. La partie de tennis n’est pas terminée.
— Fatiguée? je lui demande innocemment.
— Un peu.
— Je dirais beaucoup, je fais remarquer insidieusement.
— Pourquoi?
— Parce que tu pues.
— Je pue pas je te signale, elle répond, super vexée.
— Ton corps est spécial?
— C’est à la puberté qu’on pue. A seize ans. (Elle me renifle et prend un air dégoûté) Seize ans, je confirme. Il me reste trois ans encore à sentir la fraise.
Marie met sa main sous sa tête, et son aisselle à portée de mon nez. Je renifle d’un air dégoûté…
— Pas trop organique la fraise! Elle a bu un peu trop de désherbant. File à la douche ou tu vas faire jaunir les murs!
— Tu as vu les douches? Marie s’enthousiasme aussitôt. L’eau surgit de partout, pushhhhh, comme si on t’arrosait. C’est pour masser les muscles. On a même des peignoirs, c’est donki!
— En parlant de peignoirs, Ramaj m’a dit qu’il avait fait graver nos prénoms pour être sûre qu’on ne se trompe pas de chambre.
— T’es sérieuse? dit Marie en se redressant brutalement.
« Non, je bluffe. Je veux juste m’amuser un peu avec toi. »
— Ben oui. Je pensais que c’était comme ça que tu avais deviné qu’ils s’étaient trompé de chambre. C’est pas comme ça?
Marie s’assit au bord du lit.
— Réfléchit Marie, réfléchit! je l’entends murmurer.
— A moins que tu m’ai menti Marie…
— Je ne t’ai pas menti! Ils se sont trompés de chambre et cette chambre est la mienne.
— Je te crois, je la rassure en sortant du lit, et alors que je marche vers la salle de bain, je rajoute vicieusement: tu ne verras aucun inconvénient alors à ce que j’aille vérifier MON nom sur MON peignoir?
— Pas du tout, elle répond, hautainement.
Quel culot! Le pire c’est qu’elle va m’avoir à mon propre jeu si elle ne se dénonce pas avant que j’entre dans la salle de bain. Un pas, deux pas, trois pas: je suis dans la salle de bain. Fais chier!
Elle a gagné.
— C’est ta chambre! Marie s’exclame.
« Ouf! »
…
Je sors de la salle de bain, les yeux fixés sur le col de mon peignoir.
— C’est bizarre, il n’y a pas ton nom sur le peignoir, je dis, le ton bien accusateur.
— C’est le tien.
— Non plus.
— Quel nom alors? elle demande intriguée.
— Difficile à lire.
Je lui jette le peignoir sur la tête, parce que, pourquoi pas! C’est ma sœur cadette, mon unique sœur et ça me donne le droit de la taquiner. Et elle le mérite.
— Hé! Mais il n’y a aucun nom sur ce peignoir! Tu m’as menti, Faith. Tu savais que c’était ta chambre et tu m’as quand même laissé tirer tes lourdes valises. Je te déteste!
Marie me jette le peignoir, que je rattrape à la volée et lui rejette aussitôt à la figure. Elle essaie de l’enlever mais trop tard: j’ai bondi sur le lit, sur Marie et l’inonde de.. chatouilles.
— ARRÊTE DE ME CHATOUILLER! ARRÊTE! FAITH! HAHAH AHAH HAHAHAH J’EN PEUX PLUS FAITH, ARRÊTE!
« Je ne peux pas m’arrêter Marie, car il n’y a pas plus beau son dans tout l’univers que celui de tes éclats de rires; et je n’ai pas de plus grand bonheur que de te savoir heureuse, petite sœur.»
Jeu, Set et Match!