6- Monsieur le Président
Los Angeles
Station Hyperloop
Lundi 10 janvier 2046 / 08h25
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— Ça va aller, Paola. Les infirmiers vont te conduire à l’hôpital et s’occuper de toi et de ton bébé. Tu es en sécurité maintenant.
— Grâce à vous, et à vos filles.
Rachel répondit par un léger sourire. Elle ne méritait aucun compliment. Elle a juste fait ce que n’importe qui d’autre aurait fait à sa place; enfin presque. Depuis 10 ans, le triste sentiment que l’égoïsme et la corruption du corps politique avaient déteint sur la population et corrompu les coeurs lui rongeait le sien. L’altruisme, la générosité, l’amour que ses parents avaient inculqués en elle, elle ne comprenait pas pourquoi ces valeurs étaient devenues l’exception plutôt que la règle. Aider Paola à accoucher alors qu’elle n’avait jamais pratiqué d’accouchement de sa vie, se battre sans la moindre hésitation et comme un diable pour ressusciter un bébé que 99% auraient laissé pour mort, peut-être était-ce un geste désespéré et subconscient pour sauver sa propre humanité. Maintenant, sa plus grande mission était de s’assurer que les deux être les plus précieux de son existence héritent de ses valeurs. Et Rachel n’avait plus de temps à perdre: cinq ans au maximum, ou quelque mois, c’est tout ce qui lui restait à vivre.
Paola était maintenant allongée sur un confortable brancard autonome qui la conduisait vers l’ambulance. Elle ne quittait pas des yeux la couveuse dans laquelle reposait son bébé.
Rachel marchait à ses côtés, Faith et Marie suivaient derrière et Daryl marchait devant, en conversation téléphonique avec l’hôpital. Il avait géré la situation à la perfection: « Défaut professionnel » pensait Rachel alors que son regard s’attardait sur la nuque de celui qui veut protéger l’humanité de l’intelligence artificielle. Mais sa belle chevelure poivrée n’avait vraiment rien d’artificielle. Et ses épaules! Personne ne pouvait soupçonner que sous sa veste, son homme cachait de magnifiques épaules musclées dont le galbe des deltoïdes avait détourné bien des regards féminins lorsque que le soleil les avait tannées et qu’il portait un débardeur. Rachel s’était toujours bien gardée de le lui faire remarquer d’ailleurs. Les gouttes de sueur qui commençaient à lui glisser le long de la colonne confirmait qu’elle était bien à Los Angeles. Elle s’imagina alors être une goutte de sueur glisser le long du dos de son homme jusqu’au creux de ses reins. Elle n’essaya même pas de réfréner ses pensées érotiques car le déhanchement de Daryl avait depuis 20 ans eu raison de ses dernières résistances. Et puis, elle méritait bien une petit récompense pour évacuer l’adrénaline qui avait remplacé son sang. Les fesses de Daryl swinguaient au rythme d’un métronome, hypnotisant, envoûtant… Vivement ce soir.
— Attention, Paola, on va vous faire entrer dans l’ambulance, avertit le brancardier.
— Attendez! interrompu Paola. (Elle se tourna ensuite vers Rachel) J’aimerais dire au revoir aux filles.
— Bien sûr. Faith, Marie! Paola aimerait vous dire au revoir.
Les filles bondirent comme des lapins au chevet de la jeune maman. Daryl rapprocha la couveuse afin qu’elles puissent aussi dire au revoir au bébé.
— Marie, Faith, je ne vous oublierai jamais, leur dit Paola.
— De toute façon tu n’as pas le choix, taquina Marie en pointant du regard le bébé.
— Ha ha, en effet, s’esclaffa Paola. Aucun autre prénom au monde n’aurait pu être plus parfait, elle rajouta.
—Je suis d’accord, Rachel fait trop vieux, taquina de plus belle Marie, provoquant le rire de tous.
Paola se tourna vers la couveuse, caressant son bébé d’un regard maternel qu’elle découvrait et qui la transportait.
— Rachel, Marie, Faith, je sais que vous lui avez sauvé la vie; et nous savons tous que ce sera mon unique bébé. J’aurais perdu ma raison de vivre si je l’avais perdu. Vous m’avez sauvée également et je voulais que vous le sachiez.
SNIF… SNIF…
Faith et Marie avaient réussit à calmer leurs émois depuis l’accouchement mais Paola venait d’ouvrir à nouveau les vannes à larmes. Et qu’elles étaient chaudes ces larmes qui coulaient sur leur joues roses. Paola tendit la main aux deux soeurs qui la saisirent avec compassion, puis les posa contre son coeur.
— Quand elle aura l’âge de comprendre, je lui raconterai l’histoire de son prénom; Marie, Faith, c’est aussi votre bébé après tout.
SNIF…
Rien ne rendait plus heureuse Rachel que de découvrir et d’apprécier à quel point les amours de sa vie pouvaient apporter du bonheur aux autres.
— Faith, reprit Paola, quand je suis passée à côté de toi dans le wagon, j’ai remarqué ton regard sur mon ventre. Tu n’étais pas contente.
— Non… Non.. C’est que… enfin—
— Comment une adolescente peut oser vouloir un bébé alors qu’elle va mourir bientôt et va laisser un orphelin dans un monde aussi incertain?
— Pardon, je ne pensais pas que—
— Je t’avais vue. Ne t’excuse pas Faith. Sache que moi aussi j’ai peur, très peur. Lorsque j’ai rencontré Miguel, on a décidé qu’il serait criminel d’avoir un bébé aujourd’hui. Et puis le virus a tué nos grands-parents, puis nos parents, puis nos soeurs et frères plus âgés et jusqu’à ce qu’on n’ai chacun plus personne à pleurer. Il ne restait plus que nous. Nous aussi on allait mourir, sans personne pour nous pleurer. Un jour on s’est mis à compter les jours qu’il nous restait à vivre. C’était notre façon à nous de défier la mort. On a réussi au départ. Mais après quelques semaines, même l’amour qu’on avait l’un pour l’autre ne suffisait plus à nous rendre heureux. Et pourtant, notre amour était… Hum, je peux encore sentir l’odeur de sa peau… Un jour je regardais par le balcon, il me suffisait juste de sauter. L’envie était là, Faith, crois-moi. Chaque jour, chaque heure, chaque minute passées à vivre était un supplice que je ne souhaite à personne. Il me suffisait juste d’enjamber la balustrade pour mettre fin à ma souffrance… Miguel a dû le sentir car il a mis sa main sur mon épaule… Il m’a embrassé le front en me disant « ça va aller », et puis il m’a emmenée dans la chambre, et on a fait l’amour, encore et encore comme si c’était la dernière fois. Je suis tombée enceinte; on a décidé de le garder. On a beaucoup pleuré les premiers jours, Faith, non pas de bonheur mais de honte; notre culpabilité nous brûlait de l’intérieur comme de l’acide, chaque jour. Mais au fur et à mesure que mon ventre se gonflait, nos pleurs se sont transformés en rivières de bonheur. Tu as raison, c’est très égoïste d’imposer à un enfant de vivre dans un monde sur le point de s’effondrer. Mais c’était ça ou nous laisser mourir à petit feu, et je sais que je n’aurais pas tenu longtemps. Je ne suis pas aussi forte que je le devrais et j’irai certainement en enfer pour ce que j’ai fait à mon bébé, mais mon bébé nous a redonné la joie de vivre. J’ai tellement d’amour à lui offrir, à lui rendre… J’espère que tu peux comprendre.
Marie avait enfoui son visage sur la poitrine de Faith et essuyait tant bien que mal les chaudes larmes qui ruisselaient sur ses joues. La caresse de la main de sa grande soeur sur ses cheveux devait la réconforter quelque peu. Faith essayait de contrôler sa respiration, mais ses inspirations saccadées trahissaient un niveau d’émotion qu’elle n’avait jamais dû ressentir auparavant. Les larmes glissaient sur sa peau lisse d’adolescente, couleur pêche. Elle n’avait plus de mains libre pour les essuyer et renifler toutes les cinq secondes ne suffisait plus à contenir le flot. Rachel lui épongea le visage avec son mouchoir. Daryl avait lui aussi les yeux humides lorsque Rachel le regarda. ‘’Il y a un futur pour nos filles’’ il pouvait lire dans ses yeux. ‘’Je t’aime tellement, je vous aime tellement’’ elle pouvait lire dans les siens.
— Faith, Marie, ne pleurez pas, dit Paola. Je suis heureuse maintenant. Et Miguel aussi.
— Il est… où? demanda Faith, émue et timide.
— A la frontière Mexicaine. Depuis sa fermeture, plus personne ne peut rentrer. Cela fait trois mois déjà.
— Il est… Américain? demanda Rachel.
— Oui. Mais pas pour cette administration. Je prie chaque jour pour qu’ils lui permettent de revenir, continua Paola, aux bord des larmes. Son regard se posa sur son bébé: elle ne peut pas grandir sans son père… Il me manque tant… puis éclata en sanglot.
— Il faut y aller, avertit délicatement un infirmier.
Paola se tourna vers les filles et Rachel: « Merci. » elle réussit à dire entre deux sanglots. « J’espère vous revoir bientôt. »
— Compte sur nous, conforta Rachel.
Les brancardiers glissèrent Paola à l’intérieur de l’ambulance, puis la couveuse puis eux-mêmes. Ils fermèrent les portes, l’ambulance démarra puis disparut.
Instinctivement, Rachel enroba ses filles de ses bras. Même si leurs pleurs avaient cessés, leurs joues chaudes et humides lui réchauffait sa poitrine. Elle espérait que les battements de son coeur apaiseraient leurs coeurs. Mais lesquels apaiseraient le sien? Elle sentit alors le corps de son homme se glisser à ses côtés. Ses bras l’enveloppèrent, elle, Faith et Marie. La vie les avait réunis de nouveau. Jusqu’à quand?
— Hum Hum.
La toux venait de derrière.
— Docteurs Daryl et Rachel Martin, bienvenus à Los Angeles.
De toutes les personnes au monde qui auraient pu les accueillir, ni Rachel, ni Daryl n’auraient voulu que celle-ci soit:
— Président Ivel? s’étonna Daryl.
— Surpris de me voir? questionna le président.
— Disons que nous nous attendions à voir mon assistant.
— Et vu que vous détestez la Science… rajouta Rachel, sarcastique.
Le président la dévisagea, elle soutint son regard. Il lui offrit un sourire en coin, elle ne lui offrit rien. Qui allait céder le premier? Rachel connaissait la réponse, elle n’en était pas à son premier duel avec le président des Etats-Unis et savourait particulièrement ceux qui la mettaient face aux sbires de l’administration Ivel.
— Ce sont vos filles? le président demanda.
Entendre le plus controversé, le plus corrompu, le plus anti-science président que les Etats-Unis d’Amérique n’aient jamais élu s’intéresser à ses filles lui hérissa immédiatement les poils .
— Notre voiture ne va pas tarder, elle dit à ses filles, en les libérant de son étreinte. Est-ce que vous pouvez nous laisser quelques minutes avec…? Elle n’aimait pas prononcer son nom.
— Ok, répondit Marie alors que Faith fusillait du regard le président. Ils s’étaient déjà rencontrés et ils ne s’aimaient pas du tout.
— Je vais m’en débarrasser très vite, lui chuchota sa maman.
Rachel embrassa le crâne de ses filles puis s’éloigna d’elles sans les perdre de vue et surtout sans prêter attention au président. C’était au président des Etats Unis d’Amérique de la suivre car c’est lui qui avait besoin de la science, de SA science, plus que jamais.
— De quoi quoi s’agit-il? Rachel lui demanda, froidement.
— Avez-vous fait bon voyage? il répondit, tout sourire.
— Oui, merci, dit Daryl, plus amical. Mais le conseil a lieu ce soir, à 18h, alors que nous vaut la peine de votre accueil?
— Aucune peine, juste du plaisir et de la politesse, il se défendit.
Rachel se rapprocha du président, plongea son regard dans le sien.
— Aujourd’hui 50,000 enfants vont débarquer sur la côte ouest, demain également et tous les jours pendant 3 ans. Il fa falloir les loger, les rassurer, les nourrir, les soigner, et surtout les former. En même temps, 200,000 adultes vont mourir aujourd’hui, demain et tous les jours qui suivent jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, dans cinq ans au plus tard. Il va falloir les recueillir, choisir de les enterrer ou de les brûler, nettoyer les résidences, dénicher ceux qui mourront seuls et les brûler pour éviter toute pandémie… Et bien sûr, tout cela avant que tous les adultes disparaissent. Peut-être que vous mourrez dans cinq ans, ou cinq mois, ou cinq semaines, ou demain. Alors ne pensez-vous pas que vos priorités sont un peu mal placées monsieur le ‘’PRESIDENT’’?
— Pas du tout, car ma top priorité pour l’instant est de m’assurer que les personnes les plus importantes à la survie de nos enfants et de l’humanité soient bien arrivées, bien traitées et en sécurité.
— Bien arrivés: checked! répondit Rachel, droite dans ses bottes.
— Merci pour votre accueil monsieur le Président, intervint Daryl, diplomatiquement. Rachel et moi avons beaucoup de travail avant cette réunion et le temps presse plus que jamais. A ce soir donc, 18h.
— Tout à fait, le président répondu en exagérant un sourire.
Sans mot dire, Rachel et Daryl rejoignirent leurs filles.
— J’espère juste que je pourrais compter sur votre soutien! rajouta alors le président Ivel, juste avant de s’engouffrer dans sa limousine et de disparaître.
‘’Compter sur votre soutien’’ était le texte. ‘’Quelque que soient vos idées, les miennes prévaudront’’ était le sous-texte. Rachel et Daryl étaient aguerris et très allergiques au langage politicien. En devenant scientifique et ingénieur, ils avaient choisi de vivre sous le dogme de la vérité scientifique, celle qui ne souffrait aucune interprétation autre qu’elle-même. C’est pour cela qu’ils avaient toujours refusé les appels des gouvernements à les rejoindre; le gouvernement ‘’Ivel’’ encore moins.
— Docteurs Daryl et Rachel Martin?
Le jeune homme apparu de nulle part. Il se tenait droit comme un piquet, un iPad dans les mains et des oreillettes greffées à ses oreilles.
— Ramaj? demanda Daryl.
— Tout à fait. Veuillez pardonner mon retard; c’est un peu la folie depuis l’annonce de votre arrivée.
— On a vu ça, le rassura Rachel. Pas de soucis,
— Etait-ce le président Ivel il y a quelques secondes?
— Ramaj, on est pressé, lui Daryl, poliment mais pas trop.
— Oui, pardon, s’excusa Ramaj. Permettez-moi de vous briefer très vite alors. Tout d’abord, vos bagages. Ils—
— Dans la voiture, interrompit Daryl. Où est-elle?
— Juste ici, répondit Ramaj avec un grand sourire mystérieux.
— Où ça ici? demanda Daryl, surpris de ne voir aucune voiture.
— Juste ici.
— Ici-ici, ou ici-là-bas? s’agaça Daryl.
— Ici-ici, dans 3…2…1. Et voilà! jubila Ramaj, alors qu’une navette autonome s’arrêtait juste devant eux dans une grâce et silence absolus.
Portes-baies vitrées, toit translucide, roues tout-terrain gigantesques: elle était splendide. Les portes s’ouvrirent avec délicatesse, révélant un luxueux intérieur et de confortables fauteuils en cuir moelleux.
— Bienvenus à bord, dit le pilote virtuel que l’hologramme ‘’humain’’ au milieu du véhicule rendait presque réel.
— DONKI! s’enthousiasma Marie. Je prends le siège du pilote.
Marie bondit à l’intérieur la navette, traversa l’hologramme en s’excusant: « désolée! », se précipita sur le siège du conducteur et s’y laissa choir.
— Elle ne peut pas la conduire, Ramaj dit immédiatement à Rachel. Elle n’obéit qu’à ma voix et bientôt à la vôtre et celle de Daryl, il rajouta, un sourire d’auto-satisfaction sur le visage.
…
— Rachel, Daryl, Faith, Marie, bonjour! dit l’hologramme, une fois tout le monde à l’intérieur. Je m’appelle Andrew et je suis là pour vous conduire partout où vous le désirez.
Daryl souriait. Il avait énormément contribué au développement des codes sources des HyperLoop, des véhicules autonomes, de leurs pilotes virtuels et du réseau cartographique 3D virtuel qu’ils utilisaient.
— Est-ce que je peux te conduire, Andrew?
— Malheureusement non, Marie. Je suis réservé aux adultes.
— Je suis sûr que je peux le pirater, Marie chuchota à Faith.
— Et suis totalement UNPIRATABLE, rajouta Andrew, fièrement.
Rachel et Daryl pouffèrent un léger rire. Malgré la maturité élevée de son intelligence artificielle, Andrew ne connaîtrait jamais assez Marie car si la prédictibilité des comportements humains était l’une des forces de l’intelligence artificielle, Marie n’entrait dans aucune équation.
— Andrew, les Martin ont beaucoup à faire aujourd’hui, dit Ramaj, déposons-les au plus vite à leur nouvelle demeure.
— C’est comme si c’était fait! répondit Andrew en démarra aussi silencieusement et gracieusement qu’à son arrivée.
— Attendez! s’exclama Marie, en s’agglutinant contre la vitre, le regard fixé sur quelque chose à l’extérieur.
— Qu’y a-t-il, Marie? s’inquiéta Daryl.
— Andrew, arrête! insista Marie.
— Marie, qu’y a-t-il? Nous sommes en retard, s’agaça Daryl.
— C’est important papa, je te promets. Elle se tourna vers Ramaj: Monsieur, dîtes à Andrew de s’arrêter, s’il vous plaît.
— Que commandez-vous, Ramaj? demanda Andrew.
Ramaj braqua son regard sur Daryl car il n’avait pas le grade, ni la volonté de contrarier son nouveau boss, surtout le premier jour, et encore moins les dix premières minutes. Daryl lui fit signe de la tête d’arrêter la voiture: ‘’Andrew, stoppe, s’il te plaît.’’
— Arrêt demandé, confirma Andrew.
— Marie, si c’est encore un de tes caprices… avertit Daryl.
— Pas de soucis, Marie, interrompit Rachel, en posant sa main sur le bras de Daryl pour le calmer. Dis-nous juste de quoi il s’agit.
— Je peux pas! répondit Marie en bondissant hors de la voiture, à peine les porte-baies entre-ouvertes.
Daryl offrit à Rachel le regard: ‘’Tu vois, je te l’avais dit’’.
— Ramaj, bienvenue dans le monde magique et bordélique de ma soeur, dit Faith, sortant de son silence.
— Elle est… surprenante, il répondit poliment, sans réussir à cacher sa confusion. Le nouveau climat certainement, il excusa.
D’un signe de la tête, Faith l’informa que NON, puis Daryl, puis Rachel.
— Est-ce que tout va bien, Ramaj? demanda Andrew.
— Oui, répondit sans y croire Ramaj. Jusqu’ici tout va bien.
Le visage qui avait été attribué à Andrew était un ‘’beau’’ visage. Les milliards de réactions aux selfies postés sur sur les réseaux sociaux avaient servi de base de données aux algorithmes pour déterminer les traits ‘’optimums’’ des assistants virtuels, et jusqu’au attributs physiques des hologrammes, et ce, en fonction des situations.
Les utilisateurs avaient perdu le droit à la protection numérique depuis cinq présidents. Différents partis, même discours: ‘’Le progrès est vital, il crée des emplois et nécessite donc de petits sacrifices.’’
Différent partis, même réalité: corruption par donations. Et la Silicon Valley avait des trillions de dollars à dépenser.
Andrew, quarante ans environ, avait des traits charmants, mais pas trop sexy afin de ne pas rendre jaloux Daryl. Benjamin avait mis à jour le statut conjugal des passagers, mais c’était inutile face à l’indestructible amour que Rachel éprouvait envers Daryl, et réciproquement.
— Maman! Papa! interpella Marie en surgissant, le souffle court. J’ai une surprise pour Faith.
— Marie, je suis fatiguée, se plaignit Faith.
— Arrête de parler et emmène-toi! commanda Marie.
— NON! rétorqua Faith.
— Ok, Ok, Marie murmura. Papa, Maman, j’ai fait une bêtise aujourd’hui et je voudrais me faire pardonner.
— Quelle bêtise? demanda Rachel, le visage inquiet.
— J’ai été rude avec quelqu’un qui ne m’avait rien fait.
— Pas cool, dit Daryl. Est-ce que tu lui a demandé pardon?
— Pas encore. Je veux lui faire une surprise, je voudrais lui offrir un autographe.
— Pas de problème, je peux lui en signer un, dit Rachel.
— Moi aussi, renchérit Daryl.
— En fait, c’est celui de Faith qu’elle aimerait avoir.
— Moi? s’étonna Faith.
— Oui, Faith. Elle a même un magazine avec ta photo en couverture pour le prix Nobel.
— NON! Tu sais très bien que je déteste me mettre en avant et que le passé ne compte plus pour moi. Marie, faut que tu grandisses, tu ne peux plus faire comme bon te semble, plus maintenant.
SNIF… SNIF…
— Et ce n’est pas la peine de pleurer, j’ai dit non!
— Hé! Hé! Hé! mon poussin, murmura Rachel, en posant ses mains rassurantes sur les joues de Marie. Ça va aller. Dis-nous juste pourquoi tu pleurs, je suis sûr que ce n’est pas si grave.
— Si… SNIF, parce que Faith est son model et inspiration, SNIF…
— Il ne faut pas pleurer pour ça, la réconforta Rachel en lui caressant délicatement les cheveux.
— Si, car c’est pour ça, SNIF… que j’ai été méchante. Faith, Je lui ai dit que tu méritais pas le prix Nobel, SNIF… parce que j’étais jalouse, SNIF… SNIF… et que tu étais moins belle en vrai… Mais elle t’aime quand même, Faith. Pardon.
Faith s’assit à la hauteur de Marie, releva la mèche de cheveux qui cachait les yeux noisettes de sa petite sœur, puis tendrement lui dit:
— Hé! Petit génie, moi aussi je suis jalouse de toi, et régulièrement même! Ton détecteur de mensonge, je suis incapable d’en créer un. Et il m’a beaucoup servi, promis.
— Quel détecteur de mensonge? s’inquiéta Daryl.
— Et comment elle s’appelle? enchaîna aussitôt Rachel.
— Je m’appelle Lily.
Faith leva la tête en direction de la petite voix qui venait d’apparaître derrière Marie: « Petit Pain d’épice? » elle s’exclama.
A sa vue, le visage de Faith se mit à rayonner comme mille soleils. Lily ‘’Petit Pain d’épice’’ essayait de lui rendre son sourire mais se retrouver si proche de son idole l’intimidait visiblement. Faith le sentit; elle ouvrit son bras dans sa direction, invitant Lily à s’y réfugier auprès de Marie. Lily sauta dans les bras de Faith et enlaça Marie de ses propre petits bras.
Les yeux de Daryl brillaient. Il posa sa main sur celle de Rachel: il aimait tellement ses filles. Rachel espérait qu’elles le savaient.
— Je crois que vous allez être en retard, murmura Ramaj.
— Ne vous inquiétez pas Docteur Martin, rassura aussitôt Andrew. Je connais tous les raccourcis.
— Merci Andrew dit Daryl. Puis se tournant vers Ramaj: Ramaj, ça s’appelle ‘’la Vie’’, et il ne faut jamais interrompre la vie.
Rachel repris sa place sur le fauteuil aux côtés de Daryl, comme pour mieux apprécier ce spectacle d’amour. Elle posa sa tête sur l’épaule de Daryl, il lui embrassa le crâne. L’amour entre Faith et Marie était plus important que l’amour que Rachel et Daryl avaient pour leurs filles car c’était cet amour qui protégerait Faith et Marie lorsqu’elles seraient livrées à elles-mêmes dans un monde nouveau, une société sans adultes que Rachel et Daryl avaient pour mission de construire au plus vite, avant qu’eux-mêmes ne disparaissent: dans quelques années, ou quelques mois, ou quelques jours.